Le Congrès refuse d’entériner le retour de Manuel Zelaya tant que la Cour Suprême ne se prononce pas
Peut-être trop beau pour être vrai. D’un autre côté, la situation était tellement bloquée depuis l’expulsion du président Manuel Zelaya du Honduras le 28 juin dernier, que la signature de l’Accord Tegucigalpa/San José vendredi dernier par les deux parties, poussait à l’optimisme quant au retour à l’ordre constitutionnel. Depuis vendredi, le mouvement de résistance au coup d’Etat se félicitait de la signature de l’accord tout en appelant à la prudence. Sa vigilance n’était pas superflue.
Les putschistes emmenés par Roberto Micheletti ne veulent plus se porter garants d’une des clauses de l’accord : la décision du Congrès qui doit décider le retour de Manuel Zelaya. Et ce en estimant que la restitution ne va pas de soi.
Mais désormais, c’est le Congrès qui renvoie lui aussi la balle dans le camp de la Cour Suprême. Pendant ce temps, Manuel Zelaya est toujours réfugié à l’ambassade du Brésil dans la capitale hondurienne.
L’exécutif du Congrès réuni ce mardi (3 novembre) pendant deux heures n’a pas consulté les députés présents et a donc décidé de solliciter la Cour Suprême pour qu’elle donne son avis. Et d’assurer que cet avis serait pris en compte lors de la décision finale du Congrès.
Une manifestation des partisans de Manuel Zelaya
Elvia Argentina Valle et Carolina Echeverria, députées du Parti Libéral soutenant Manuel Zelaya, ainsi que les députés du parti « Unification démocratique » (communistes, anticapitalistes) ont qualifié cette décision de « manœuvre dilatoire » de la part des putschistes.
José Miguel Insulza, le secrétaire général de l’Organisation des Etats Américains a demandé au Congrès qu’il « cesse de faire de la rhétorique » et qu’il installe, comme prévu dans l’accord, un gouvernement d’unité nationale avec Manuel Zelaya à sa tête. Et d’insister sur la responsabilité du Congrès, « car c’est lui, le 28 juin, qui a pris la décision de nommer Monsieur Micheletti ».
C’est sûr que dans ce dossier, le Parlement a été plus prompt à nommer le représentant des putschistes qu’à restituer l’ordre constitutionnel…
Quand Micheletti fait écrire une lettre à Zelaya
En revanche, un des points de l’accord est en train de se mettre en place puisque mardi s’est réunie pour la première fois la Commission visant justement à superviser son accomplissement.
Cette commission est composée de l’ancien président du Chili Ricardo Lagos Escobar, la secrétaire du travail des Etats-Unis Hilda Solís, le secrétaire aux affaires politiques de l’OEA Víctor Rico ainsi que Jorge Arturo Reina et Arturo Corrales représentants respectifs de Manuel Zelaya et Roberto Micheletti. La délégation aura notamment pour mission de faciliter la création du nouveau gouvernement auquel participeront des organisations de la société civile mais aussi l’exécutif qui était en place avant l’expulsion de Manuel Zelaya.
Sur ce point, Roberto Micheletti a fait adresser par un de ses « ministres » un courrier à Manuel Zelaya dans lequel il lui demande de lui remettre « une liste de dix citoyens (…) pour, parmi eux, procéder au choix des serviteurs publics qui à partir du 6 novembre auront à intégrer le Gouvernement d’unité et de réconciliation nationale ».
L’armée refuse d’être « le bouc-émissaire »
Au-delà des négociations sur la mise en œuvre de l’accord, Roberto Micheletti risque d’avoir à affronter à présent les réactions de l’Etat-major de l’armée. En effet, c’est elle qui avait expulsé Manuel Zelaya vers le Costa-Rica. Jusque-là, les putschistes « politiques » ne s’en étaient jamais plaints. Or, Roberto Micheletti vient d’affirmer que les auteurs de l’expulsion devaient être poursuivis !
Et comme Roberto Micheletti a signé dans l’accord l’impossibilité de recourir à l’amnistie, le chef d’Etat-major, le Général Romeo Vazquez, qui s’est toujours dit fidèle à Roberto Micheletti, se retrouve en première ligne.
« Une chose est claire » a-t-on lâché dans la hiérarchie militaire, « l’armée a accompli une mission le 28 juin. Quelqu’un nous a donné l’ordre et nous l’avons accompli. Notre intervention s’est arrêtée à ce moment. Ni le Général ni personne d’entre nous n’a participé ensuite au nouveau Gouvernement (…). Ce serait injuste que les politiques se mettent maintenant d’accord et que nous devenions les boucs-émissaires ». Les gradés ne sont visiblement pas prêts à payer seuls les accusations d’atteintes aux droits de l’homme de ces quatre derniers mois.
SÉBASTIEN MADAU
Article publié le 5 novembre 2009 sur le quotidien la Marseillaise sud-est P.46