vendredi 27 novembre 2009

L’HOMME QUI NE FAIT PLUS CONFIANCE AU LIBÉRALISME

Portrait:
Manuel Zelaya est bien malgré lui au cœur de l’actualité, depuis qu’il a été expulsé du Honduras par un coup d’Etat

Depuis le 28 juin, le monde a fait plus ample connaissance avec Manuel Zelaya, le président du Honduras. Bien malgré lui, puisque c’est à la suite d’un coup d’Etat que les projecteurs se sont penchés sur cette homme à l’imposante moustache et au chapeau vissé sur la tête.

Mais qui est réellement Manuel Zelaya ? Un leader charismatique de la gauche latino-américaine dans la lignée des Castro et Chavez ? C’est en fait beaucoup plus complexe.

Jusqu’à 2007, Manuel Zelaya, aujourd’hui âgé de 57 ans, était plutôt placé au centre-droit de l’échiquier politique.

FILS DE PROPRIÉTAIRE TERRIEN

Manuel Zelaya est fils d’un propriétaire terrien et s’est longtemps occupé de ses exploitations.

Il s’engage au sein du Parti libéral en 1970 et devient un élément central de la vie politique. Elu à la présidence en décembre 2005, il met en place un plan de lutte contre l’insécurité, les gangs et le chômage. Le pays est l’un des plus pauvres de la planète et comme souvent à droite, on prône la rigueur.

Mais en 2007, Manuel Zelaya entame une série de virages à gauche. Il fait adhérer son pays à l’ALBA (Alternative Bolivarienne pour les Amériques), ce traité de coopération lancé par Cuba et le Vénézuela afin de trouver « les meilleurs alternatives possibles aux problèmes historiques du pays ».

ADHÉSION À L’ALBA

Son credo : la loi de participation citoyenne, impliquant la population dans la gestion du pays à travers un forum national participatif et un conseil national anticorruption. C’est à ce moment que les dents commencent à grincer, y compris dans son camp.

Manuel Zelaya fait voter par le Congrès un accord avec Petrocaribe, la compagnie pétrolière vénézuélienne qui lui permet de recevoir dès le départ 20000 barils par jour à crédit.

Manuel Zelaya s’affranchit aussi de l’allié historique américain et affirme n’avoir dû demander « la permission à aucun impérialisme » pour adhérer à l’Alba qui promeut « le socialisme du sud ». Il annonce « l'installation de la troisième République, le retour à la planification d'Etat pour favoriser la croissance et le développement » en défendant un « libéralisme socialiste pour que les bénéfices du système aillent à ceux qui en ont le plus besoin ».

Du coup, Manuel Zelaya reçoit le soutien des forces sociales et politiques de gauche qui jusque-là n’avaient pas hésité à être critiques mais s’attire les foudres de l’oligarchie qui le renverse le 28 juin dernier. Ce qui dérange en fait, c’est que Manuel Zelaya a pour ambition de refonder la société en passant par la consultation populaire et une Assemblée constituante.

Le président Zelaya a réussi à mobiliser de nombreuses forces sur un vrai projet de société.

L’homme a, au fil des ans, perdu la confiance qu’il avait envers le libéralisme.

« Je pensais pouvoir procéder à des changements au sein du système néolibéral, mais les riches ne lâchent rien de leur fortune. Ils veulent tout pour eux. Donc logiquement pour changer les choses, il faut impliquer le peuple » (1) indiquait-il à la veille de son expulsion.

(1) El Pais, 28 juin 2009.

SÉBASTIEN MADAU

Article publié le 12 août 2009 sur le quotidien la Marseillaise sud-est

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire