vendredi 27 novembre 2009

" CEUX QUI DISENT QU’ON TUE DES GENS MENTENT "

-Wenceslao Lara Orellana-
Entretien sans concession entre la Marseillaise et ce député hondurien, pilier du putsch

Wenceslao Lara Orellana est une figure charismatique au Honduras. Député du Parti libéral, il soutient bec et ongles le coup d’Etat, qu’il juge « constitutionnel ». Un classique du genre.

- Le 28 juin, pourquoi avez-vous voté la destitution de Manuel Zelaya ?
M. Zelaya a cessé d’être président d’après l’article 239 de la Constitution qui interdit de réformer la forme de gouvernement. Celui qui le fait se voit immédiatement relevé de ses fonctions. De plus, il avait 17 autres charges contre lui.

- Trouvez vous “normale” la manière dont il a été “remplacé” et expulsé du pays ?
On a agi en respectant la Constitution et les lois. Il a été expulsé pour éviter une tuerie d’innocents y compris de lui-même étant donné qu’il n’existe pas dans le pays de prisons d’extrême sécurité pour protéger ce type de fonctionnaires.

- Mais la communauté internationale a condamné ce qu’elle appelle un coup d’Etat…
Le monde est désinformé. En venant au Honduras, il se rendra compte de la vérité.

- Quels sont, d’après vous, les éléments qui font que ce processus est « démocratique »?
Les trois pouvoirs de l’Etat sont démocratiquement constitués et les militaires sont dans les casernes.

- On note pourtant la répression militaire contre le peuple. On dénombre des morts. Des ONG dénoncent des manquements à la démocratie…
Ceux qui disent qu’on tue des gens mentent. Tout le monde peut protester dans la rue, dans le respect de la loi, de manière pacifique. Seul un jeune est mort, en face de l’aéroport de Toncontin. L’enquête a conclu que les balles étaient en caoutchouc.

- Les élections du 29 novembre pourraient-elles résoudre la crise ?
Sans aucun doute. Elles seront le soulagement définitif après cette difficulté politique momentanée.

- Qui serait le meilleur président pour le Honduras de demain ? Roberto Micheletti ou Elvin Santos, le candidat du Parti Libéral ?
Elvin Santos, un démocrate, un jeune leader qui a fait ses preuves.

- Pensez-vous que dans ce climat, le camp “Zelaya” pourra mener campagne ?
Zelaya, d’après les 18 charges contre lui, n’est pas habilité à le faire. Il y a des preuves documentées et des vidéos sur l’argent qu’il a soustrait des coffres de la banque centrale sans autorisation.

- Ne trouvez-vous pas contradictoire de dire que Manuel Zelaya doit répondre de ses actes devant la justice et en même temps lui refuser le droit de rentrer au Honduras ?
Cela pourrait sembler contradictoire mais nous sommes juste en train d’éviter un bain de sang. Au niveau culturel, différent de votre pays, vous devez savoir que beaucoup de civils sont armés et seraient capables d’affronter l’armée pour défendre M.Zelaya.

- Pourquoi vous opposez-vous à tout type d’amnistie ?
Dans notre pays, il y a beaucoup de gens qui n’ont pas été condamnés et sont en prison pour avoir simplement volé une poule. Dans le cas de M.Zelaya et de son équipe, tous ceux qui ont pris l’argent sacré de l’Etat, doivent être condamnés et se voir appliqué tout le poids de la loi.

(1) Il parle d’Isis Obed en « oubliant » Roger Bados, Pedro Ezequiel, Roger Vallejo et Martin Rivera.

Commentaire de Sébastien Madau
Les mots et les morts

En choisissant d’interviewer Wenceslao Lara Orellana, le but n’était pas d’ouvrir une tribune aux putschistes. Il s’agissait juste de mettre des mots sur des visages, sur la répression en marche depuis le 28 juin. De mettre leurs auteurs en face de leurs contradictions.
On note que le député se retranche derrière la sacro-sainte Constitution pour justifier les actes commis. L’expulsion du président Zelaya (qu’empêche cette même Constitution) aurait été décidée afin d’éviter « un bain de sang ».
Du sang qui coule pourtant depuis plus d’un mois que ce soit à travers les coups de matraques ou, pire, les balles.
Le bilan pour les putschistes est donc d’un mort, alors qu’au moins quatre autres décès sont avérés et que l’on se dit qu’à la fin de la crise, le décompte risque d’être beaucoup plus lourd.
Cet entretien confirme que le Gouvernement proclamé entend poursuivre son isolement qui mène le Honduras, déjà un des pays les plus pauvres du monde, dans une terrible impasse.

SÉBASTIEN MADAU

Article publié le 7 août 2009 sur le quotidien la Marseillaise sud-est

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